Les manuscrits bretons du IXe au XIIe siècle

Publié le 12/05/2025
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Julien Bachelier a dirigé l'ouvrage Manuscrits Bretagne-Cornouaille IXe-XIIème siècles avec trois autres chercheurs, édité par Blanc et noir et l’ancienne abbaye de Landévennec. L'historien revient sur ces documents rares qui témoignent d'une époque où l'écriture était réservée à un petit cercle, essentiellement religieux. 

Dans l'ouvrage Manuscrits Bretagne-Cornouaille IXe-XIIème siècles (éditions Blanc et noir), Julien Bachelier — maître de conférences en histoire médiévale, responsable du master Patrimoine et musées, chercheur au Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC) — et ses collègues se penchent sur ces très rares documents du Moyen Âge. Bien avant l'invention de l'imprimerie (en 1450), ce sont principalement les religieux, hommes, qui se chargeaient de produire les documents officiels destinés à leurs abbayes ou d'autres institutions. L'atelier d'écriture - le scriptorium - était donc une activité essentielle du monastère. Plusieurs moines s'y partageaient la tâche, certains spécialisés dans les enluminures pour les commandes prestigieuses ; un bon copiste produisait cinq à six feuillets d'écriture par jour. 

Retrouver des manuscrits du Moyen Âge permet à la fois de connaître les objets eux-mêmes, mais aussi la circulation des idées et le contexte culturel de leur époque. Entre le VIIIe et le XIe siècle, les écrits monastiques sont à leur âge d'or. Cependant, les historiens en connaissent peu pour la Bretagne (150 dans l'ensemble du monde). Le fait d'avoir pu retrouver et acheter le manuscrit dit de Locmaria a aussi largement motivé la rédaction de l'ouvrage, accessible au grand public.

L'activité de copiste, d'abord masculine, aurait-elle pu être pratiquée à l'abbaye féminine de Locmaria ?

Le manuscrit de Locmaria doit son nom à sa provenance supposée :  l’abbaye de Locmaria de Quimper ; en tout cas, c'est ce que suggère un tracé à l’encre rouge sur le dernier feuillet : Liber Sancte Marie Sancti Loci expression latine qui désigne un couvent de femmes fondé au début du 11e siècle, ce qu'était l'abbaye de Locmaria, où les femmes chapeautaient aussi un monastère masculin, plus ancien, dont on connait peu l'histoire. De là à penser que le manuscrit ait été écrit par les religieuses quimpéroises... il n'y a qu'un pas qu'on ne peut franchir, mais ce serait encore plus exceptionnel. S'il n'a pas été réalisé à Locmaria, il pourrait avoir été copié dans le scriptorium de l'abbaye de Landévennec, où l'activité était importante et régulière, et à qui on doit le plus ancien livre liturgique conservé en Bretagne : le missel de Saint-Vougay. L'analyse de la graphie du manuscrit de Locmaria a révélé que deux copistes y avaient travaillé. Cependant, certains indices repérés par le conservateur Cyprien Henry indiquent une production écrite caractéristique du sud de la Cornouaille. 

Un manuscrit en excellent état, retrouvé en Norvège et désormais breton

Sur un parchemin (peau animale, sans doute du mouton) le manuscrit de Locmaria compte 88 feuillets, de 21 cm sur 13 cm, pour un commentaire de l’Évangile selon saint Marc, signé Bède le Vénérable, moine anglais né vers 672 et mort en 735 et très prisé à l'époque. Il s'agissait donc d'un ouvrage "usuel" destiné à la formation spirituelle des moniales. Il a pu être utilisé régulièrement, mais reste cependant extrêmement bien conservé (sauf la reliure, refaite au XIXe siècle). 

Au fil des vicissitudes de l'histoire (raids vikings, incendies, destructions lors de la Révolution) la plupart des manuscrits des monastères bretons ont été perdus et dispersés. Celui de Locmaria a été repéré récemment à Oslo en Norvège.  C'est un consortium associant le ministère de la Culture, Les champs libres de Rennes, la Ville de Quimper, le Département du Finistère, le CRBC (UBO) qui a pu le racheter pour 300 000 euros.

Le manuscrit à la médiathèque Alain-Gérard de Quimper les 16 et 17 mai 2025

La médiathèque Alain-Gérard accueille le manuscrit dans son département Bibliothèque de Cornouaille vendredi 16 mai 2025 de 12h à 19h & samedi 17 mai 2025 de 10h à 18h. 
Des animations accompagneront cette présentation : des visites des coulisses de la médiathèque, toutes les heures, une découverte “flash” dans la “Bibliothèque de Cornouaille” pour découvrir le manuscrit, une conférence sur les manuscrits du Moyen Âge en Bretagne et la place du manuscrit de Locmaria par Sarah Toulouse, conservatrice responsable des fonds patrimoniaux de la Bibliothèque des Champs Libres, samedi 17 mai 2025 à 16h et L’aventure de la recherche du manuscrit de Locmaria, par Julien Bachelier, samedi 17 mai 2025 à 17h.