Silence ça touille : Tandem et une tarte aux pommes normande
Publié le 06/05/2025
Silence ça touille, la chronique cinéma et cuisine de Christophe Casazza avec 3 nouveaux films et Tandem de Patrice Leconte à grignoter avec une tarte aux pommes normande.
par Christophe Casazza
En entrée, je vous propose The Phoenician Scheme, un Wes Anderson pur jus : c’est beau, bizarre et un brin narcissique. Les personnages ? Un concentré de l'univers "andersonien" : un escroc excentrique au charme suranné, une femme fatale à la coiffure improbable, un sidekick lunaire qui collectionne les timbres rares... Ils débitent des dialogues ciselés avec un sérieux désarmant, même lorsqu'ils parlent de choses parfaitement absurdes. Chaque plan est un tableau vivant, chaque mouvement de caméra est chorégraphié au millimètre près. Si vous aimez Wes Anderson, et si vous avez envie de vous plonger dans un univers visuellement somptueux et de passer deux heures en compagnie de personnages hauts en couleur, foncez, vous serez aux anges !
Avec, Chime de Kiyoshi Kurosawa, notre plat de résistance, on déguste le bizarreland japonais, sponsorisé par les néons clignotants et les silences qui mettent mal à l'aise. Imaginez : vous avez un vélo, vous êtes livreur (déjà c’est pas la joie), et soudain, vous vous retrouvez embarqué dans une sorte de jeu de piste cauchemardesque avec une femme qui semble tout droit sortie d'un mauvais rêve fiévreux après une nuit trop arrosée au saké bon marché. C'est un peu comme si votre pire trajet à vélo sous la pluie avait décidé de muter en un thriller existentiel à base de sonneries stridentes.
En résumé, Chime, c'est un peu comme se perdre dans les rues de Tokyo la nuit après avoir mangé un plat dont on n'est pas sûr des ingrédients. C'est étrange, ça peut être un peu angoissant, mais il y a un je-ne-sais-quoi de fascinant dans ce chaos organisé.
Le dessert est fait de Hot Milk de Rebecca Lenkiewicz. Si vous cherchez une comédie romantique légère, passez votre chemin. Le film essaie de nous faire comprendre que les relations mère-fille, c'est parfois plus compliqué qu'un meuble Ikea, même avec sa notice. Entre les douleurs psychosomatiques suspectes et les secrets de famille bien gardés sous sept couches de crème solaire, on se dit que des vacances à la plage en solo, finalement, c'est pas si mal. En gros, Hot Milk, c'est un peu le genre de film qui te fait dire : c'est pas désagréable, mais faut être prêt à une ambiance un peu "on a oublié de mettre de la déconne dans le scénario".
Tandem de Patrice Leconte
Pour la rubrique ciné bouffe on se fait un petit Tandem des familles. Le film culte de Patrice Leconte. Le titre sonne comme une promesse de joyeuses balades à deux, le vent dans les cheveux... Sauf qu'ici, le tandem en question est plutôt du genre "on pédale dans la semoule existentielle avec un risque élevé de chute et de mauvaise humeur partagée".
Jean Rochefort, animateur du jeu « la langue au chat » un contretype du jeu des mille euros et Gérard Jugnot, son ingénieur du son, se lancent dans un road trip improbable où la bonne humeur est une option aussi rare qu'un ticket de loterie gagnant. Rochefort, avec son flegme légendaire et son air de dandy fatigué, traîne Jugnot, le loser magnifique par excellence, à travers une France qui semble aussi désabusée que ses deux héros.
Les dialogues sont souvent savoureux, truffés de répliques cyniques et de réflexions désabusées sur la vie, l'amour et, probablement, la difficulté de trouver un bon restaurant routier après minuit. C’est le cas dans la scène qui nous intéresse où nous retrouvons nos deux larrons dans une gargote de Province, où ils se crêpent le chignon.
LA SCÈNE
Jean Rochefort (Mortez) et Gérard Jugnot (Rivetot ) sont à table au restaurant.
Mortez (condescendant)
- S’il vous plaît madame, est-ce que vous faites restaurant ?
La patronne de l’hôtel
- Pardon ?
Mortez (charmeur) :
- Est-ce qu’on peut dîner ?
La patronne (gênée) :
- C’est-à dire qu’à cette heure-ci, la cuisine est fermée !
Mortez :
- Ah, je me permets d’insister... chère petite madame, notre route a été longue et pénible et nous aimerions bien manger un peu.
La patronne(conciliante) :
- Bon ben... Je vais aller voir si mon mari peut vous réchauffer quelque chose.
Mortez (enjoué) :
- Le temps de prendre une douche et nous arrivons.
Après une ellipse, nous retrouvons Mortez et Rivetot à table. Ils en sont au dessert. La patronne vient les voir.
La patronne :
- Vous avez terminé, je peux amener le dessert messieurs ?
Mortez :
- Oui, nous avons fini…
Rivetot :
- c’était très bon
La patronne :
- Je suis désolée, il reste qu’une seule part de tarte.
Mortez :
- Elle est maison, la tarte ?
La patronne (hésitante) :
- Elle est pas de cette maison... mais elle est très bonne quand même !
Mortez (à Piveteau) :
- On partage ?
Rivetot :
- Vous plaisantez... prenez les fruits, j’adore la pâte ! (Il se plonge dans ses comptes). Merde, je comprends pas... j'ai un trou de cinq mille francs dans mes comptes...(Mortez ne répond pas)... vous entendez ?
Mortez :
- Tu t’es trompé dans tes comptes !
Rivetot :
- Ben tiens ! Ça va être de ma faute.
Mortez :
- De toute façon, c’est toujours de ta faute.
Rivetot :
- Vous êtes gonflé ! C’est pas vous qui les avez piqué quand même ?
Mortez :
- Qu’est ce que ça peut te faire, c’est pas ton argent ?
Rivetot :
- Non, c’est pas mon argent, mais j’en ai la responsabilité !...Alors, c’est vous ?
Le patron de l’hôtel fait son apparition :
- Tout s'est passé comme vous vouliez messieurs ?
Mortez (faux cul) :
- C’était parfait !
Le patron s’en va satisfait
Mortez (à Rivetot) :
- Si je t’avais demandé cinq mille francs, tu me les aurais prêté ?
Rivetot :
- Non !
Mortez :
- Alors, tu vois !
Rivetot (en colère, mais se retenant)
- Je savais que c’était vous... c'est dégueulasse ! J’ai calculé, j’ai un trou de trente-trois mille balles. Comment je vais le justifier ?
Mortez :
- Mais cesse de geindre, mon petit Rivetot, je te les rendrais.
Rivetot :
- Ah oui ! Mais quand, je peux savoir ?
Mortez :
- Mais quand tu veux mon grand !... ce soir... je te les rends ce soir. (Il se tourne vers le patron de l’hôtel). Dites-moi aubergiste, est-ce que le casino de votre magnifique bourgade est ouvert en cette saison.
Rivetot fait signe au patron de répondre par la négation.
Le patron (embarrassé) :
- Euh, non, non,non ! C’est fermé.
Le patron (quittant les lieux) :
Bonsoir messieurs !
Mortez et Rivetot : (de concert) :
- Bonsoir !
Mortez :
- Franchement, cinq mille francs, de plus ou cinq mille francs de moins, je vois pas ou est le problème ?
Rivetot :
- Le problème ? C’est que j’en ai marre de rattraper vos conneries.
Mortez (blasé) :
- Tu me fais de la peine mon pauvre Rivetot. Ce que tu peux être mesquin !
Rivetot (énervé) :
- Mesquin ? C’est vous qui me traitez de mesquin, alors qu’à cause de vous, on est obligés de descendre dans des hôtels... (il baisse la voix) sordides... et de partager la même chambre pour économiser le défraiement ? J’ai même plus de vie privée moi !
Mortez (sarcastique) :
- Oh ! Ta vie privée... pour ce que tu en fais !
Rivetot (menaçant) :
- Oui... peut-être... mais allez-y mollo Michel... (il hausse un peu le ton)... allez-y mollo !
LA RECETTE LA TARTE AUX POMMES NORMANDE
Épluchez 6 pommes, évidez-les et coupez-les en quartiers
Dans un saladier, mélangez 150 g de beurre ramolli avec 150g de sucre, ajoutez 1 œuf entier et 2 jaunes puis 250 g de farine pour obtenir une pâte sablée. Malaxez jusqu'à obtention d'une pâte. Faites une boule et laissez-la reposer 30 min au frais.
Faites revenir les quartiers de pommes dans 20 g de beurre, ajoutez 50 g de sucre, laissez caraméliser et réservez.
Une fois fraîche, sortez la pâte sablée du réfrigérateur et aplatissez-la avec un rouleau à pâtisserie. Une fois plate, étalez la pâte dans un moule puis cuisez le fond de la tarte cinq minutes au four th.7 (210°C) avec un papier sulfurisé et des haricots secs dessus pour qu'elle ne gonfle pas.
Faites préchauffer le four en chaleur tournante à 180°C.
Mélangez 20 cl de crème liquide et 5 cl de lait avec 1 œuf entier et un jaune. Une fois réalisé, rangez les quartiers de pommes sur le fond de la tarte, versez la préparation dessus.
Mettez la tarte normande à cuire au four pendant 20 min. Une fois cuite, sortez la tarte, laissez-la tiédir, saupoudrez le dessus de sucre cassonade et caramélisez légèrement sous le grill.
Faites chauffer 5 cl de Calvados dans une casserole, flambez, et versez-le aussitôt sur la tarte. Servez avec de la crème épaisse.
Retombez en enfance en la dégustant bien chaude, et en regardant ce film en replay sur France 2.